Le parler marseillais va avoir son premier dictionnaire
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par aNaKRoN67 le, 12-03-2006
MARSEILLE (AFP) - Le parler marseillais, un des emblèmes de la personnalité de la cité phocéenne, aura bientôt son premier dictionnaire académique, preuve qu'il est encore très vivant.
Réalisé par l'Académie des sciences et des lettres de Marseille, cet ouvrage qui doit paraître début avril chez Edisud, recense plus d'un millier de mots, locutions et expressions, explique Médéric Gasquet-Cyrus, professeur de linguistique de 30 ans qui a participé à sa rédaction.
"On a essayé de prendre le marseillais du 20ème siècle, ainsi que des mots plus désuets de la littérature du 19e siècle qui font encore partie de la mémoire des Marseillais", ajoute-t-il.
"Le marseillais, c'est du français", précise-t-il aussitôt. Mais un français tellement singulier qu'il est parfois incompréhensible à l'oreille d'un "estranger" (étranger).
L'apparition du marseillais remonte au 19e siècle, période à laquelle une bonne partie des habitants de la ville continuait de parler le provençal, raconte-t-il. Ils durent alors s'accommoder du français, la langue de promotion sociale, un français qu'ils se sont toutefois vite approprié, le truffant de mots et expressions issus du provençal et l'enrobant d'un accent qui, lui aussi, plonge ses racines dans la langue de Frédéric Mistral.
90% du vocabulaire marseillais vient du provençal, à l'encontre de l'idée reçue d'un parler "métissé" par les nombreuses migrations accueillies par Marseille: ni les Africains, ni les Maghrébins, ni les Espagnols ou Portugais n'ont réussi à y imprimer leur marque, ou très peu.
Le jeune professeur qui tient une chronique radiophonique quotidienne depuis sept ans sur le marseillais, ne note que quelques mots d'origine arabe, importés par les pieds-noirs, et pour certains passés dans le français, comme brêle, toubib ou kémia (apéro). En fait seul l'italien, également parlé dans les rues marseillaises au 19e, a réussi à s'imposer dans ce parler "d'un conservatisme qui rélève parfois de la xénophobie", juge-t-il.
Les mots inventés par les jeunes ne sont "pas beaucoup intégrés" non plus, explique-t-il, observant qu'en revanche, l'accent avait évolué ces dernières années, sous l'influence "des habitants des quartiers nord". Cet accent "a des traits communs avec celui de la banlieue dans la prosodie, le débit mais toujours avec le fond provençal" qui se caractérise notamment par le e muet, nasal, et la prononciation du t en tch.
Le secrétaire perpétuel de l'Académie de Marseille, Jean Chélini, souligne que loin d'être folklorique, ce parler continue d'être employé d'un bout à l'autre de la ville, quel que soit le milieu social, avec un accent plus ou moins appuyé. "Il reste le langage parlé en famille, entre amis".
Si parfois, les Marseillais l'utilisent pour se mettre en scène, admet-il, en général "ils parlent marseillais sans se poser de questions, ils ne savent pas que c'est du marseillais".
Il n'est pas que parlé mais également chanté et écrit couramment, démontre le dictionnaire. Chaque mot y est illustré par une chanson des années 1920 à nos jours (de Scotto aux rappeurs d'I am...) ainsi que par des citations des romans de Pagnol ou des auteurs de la veine marseillaise de romans policiers, très friande de ce vocabulaire chantant (Izzo, Carrese, Del Papas...).
Quant aux journaux marseillais, ils utilisent sans complexe et sans guillemets des mots comme minots (petits) ou mèfi (attention).
Le dictionnaire a aussi pour objectif de montrer que ce parler n'est pas figé et sait se renouveler. Exemple, selon Jean Chélini: "On disait pastis, puis pastaga, un jaune et depuis cinq ans un fly".